Faut-il mourir à 27 ans pour devenir une rock star ?

NON, EVIDEMMENT. On n’est pas une star de rock parce qu’on meurt à 27 ans, mais être une star de rock peut apparemment justifier le fait de mourir à 27 ans. Le théorème des 27 ans ne marche pas, mais sa réciproque commence à être solidement démontrée.

Amy Winehouse est entrée samedi dernier dans le triste
Club des 27

Amy Winehouse, retrouvée morte le samedi 23 juillet 2011 dans sa chambre, vient compléter la trop grande liste de ce qui a été baptisé « Le Club des 27 ». La chanteuse de « blues/jazz/saoul/R&B » (abrégeons en « pop-rock » et justifions cette abréviation par la diffusion de ses succès sur OuiFM, Le Mouv’ et Virgin Radio avant son effroyable métamorphose) qui ne voulait pas aller en désintox (Rehab) s’est fait connaître du public en 2003 avec son premier album, Frank. Trois ans plus tard, la chanteuse décollait avec Back To Black et 5 Grammy Awards.

Mais voilà, la mort est passée par là, 7 ans après le dernier album d’Amy. 7 ans de débauche lui offrant la Une des tabloïds du monde entier et la compagnie de Doherty. Il me faudra un autre alibi pour piquer les Closer de ma sœur d’ailleurs, mais – et ne le répétez pas aux fans de M.J. qui croient encore à un coup de bluff monumental – il faut savoir tourner la page. Doherty pourra chanter « Back From The Dead » tant qu’il veut, je doute fort que cela fasse revenir notre icône capillaire anti-Lady Gaga.

Quid des causes de la mort d’Amy ? Oh, bien sûr, j’entends déjà les mauvaises langues parler d’overdose. Parler ainsi d’une petite fille aussi prude, vous n’avez pas honte ? Vous le savez, Amy n’est pas la première à quitter la tumultueuse vie de rock star à 27 ans et, de ce côté, elle manque un peu d’excentricité pour une des premières fois de sa carrière. Alors je m’attends au moins à ce que l’autopsie nous prouve qu’elle était différente, qu’elle ne s’est pas contentée d’une overdose comme beaucoup de ses camarades.

Non parce que, 27 ans, overdose, c’est une mort vraiment banale. Alan Wilson, co-fondateur de Canned Heat, ouvre les hostilités en s’endormant le 2 octobre 1970 dans son sac de couchage au milieu de la nature sans jamais se réveiller. 27 ans, Overdose. Un mois plus tard, Janis Joplin, « le garçon le plus laid du campus » mais la fille qui eut l’une des plus belles voix de l’histoire, meurt à son tour. 27 ans, overdose. Puis Jim Morrison, dans sa baignoire. 27 ans, overdose. Gram Parsons (Flying Burrito Brothers) suit le mouvement, en mourant dans le lit de sa chambre du Joshua Tree. Vous allez me dire « Ben, mourir dans sa chambre, c’est d’un classique… » mais, pour la petite anecdote, sachez que Phil Kaufman (son manager) a kidnappé le corps de Parsons à la morgue pour le brûler dans le parc de l’hôtel, suivant les dernières volontés de son ami. 27 ans (moins 3 mois, c’est vrai), overdose. En 1974, c’est au tour de Mama Cass (The Mamas and The Papas) d’y laisser sa peau. 27 ans, overdose. D’héroïne. Tout comme Tim Buckley, le papa de Jeff le beau gosse, 1 an plus tard. Puis l’histoire des « rock stars mortes à 27 ans d’une overdose » fait un break d’une vingtaine d’années, et il nous faut tourner quelques pages avant de tomber sur Kirsten Pfaff, du groupe Hole (Courtney Love). 27 ans, overdose. Enfin, on croit. Les inconditionnels de Cobain pensent à un meurtre de Courtney. Shannon Hood (Blind Melon) et Bradley Nowell (The Sublim) lui succèdent en 1995 et 1996. 27 ans, overdose. Enfin, je triche un peu, puisque Hood avait tourné le compteur depuis moins d’un mois et Nowell avait soufflé sa 28e bougie 3 mois avant de décéder. Depuis, seul Jeremy Michael Ward (The Mars Volta) a ajouté son nom à la triste liste, en 2003. 27 ans, overdose.

Toutes ces joyeuses paroles pour dire qu’Amy mérite un truc plus classe. Moins trash. Je ne sais pas quoi moi, mais autre chose qu’une overdose. Tenez, Richey James Edward (The Manic Street Preachers), 27 ans… disparu. Volatilisé. On ne l’a jamais retrouvé, ni lui ni son corps. Ou un truc bien dégueulasse, comme Jimi Hendrix. 27 ans, étouffé dans son vomi. Ou alors un truc sur lequel le mystère planera toujours, comme pour Jim Morrison (on l’a déjà cité, mais j’aime bien citer Jim Morrison deux fois, je trouve ça cool.), Kurt Cobain (soupçonné de suicide à coup de balles dans la tête... enfin, on croit...les inconditionnels de Cobain pensent à un meurtre de Courtney) ou encore Robert Johnson, premier à pointer son nez inerte au Club des 27. (on n’a jamais vraiment su autre chose que : mort à 27 ans. Point.). Ou alors un truc surprenant, inattendu. Comme Leslie Harvey (Stone The Crows). 27 ans, électrocution (en branchant sa guitare. Il aurait mieux fait de se défoncer la gueule à coup de drogues dures, ça aurait fait moins pédale comme mort) et Ronnie Van Zant (Lynyrd Skynyrd), 27 ans, accident d’avion. Ou alors un truc glauque, comme Mia Zapata (The Gits). 27 ans, assassinée. Ou Brian Jones (Rolling Stones). 27 ans, noyé dans sa piscine. Ou même Pete Ham (Badfinger) - qui a loupé le Club des 27 à 72 heures près (mais 72, c’est 27 à l’envers, j’y vois donc un signe incontestable de le citer dans cet article) - 27 ans moins 3 jours, suicide par pendaison.

Bref, autre chose qu’une putain d’overdose. Et un truc moins triste que Ron « Pigpen » McKernan et son hémorragie digestive à 27 ans ou que Dave « Zander » Alexander (The Stooges), parce que 27 ans, c’est trop jeune pour crever d’une pneumonie. Enfin bon, pour Zander on s’en fout, Iggy Pop a dit lui-même que c’était un bassiste de merde, un pourri-gâté qui n’a été pris dans le groupe que pour son permis de conduire et la voiture qui va avec.

Enfin bon, je sais que mourir à 27 ans, « c’est bien parce que au moins ils n’ont pas assisté à leur déclin », blablabla. En général, pendant ce genre d’argumentation, j’ai une absence et je me réveille 4 minutes plus tard en me grattant les couilles parties intimes. Parce que rien ne justifie de mourir à 27 ans. Enfin bon, au moins, la morale est sauve : Si même Amy peut crever d’une overdose, alors personne n’est invincible face à la drogue. Avec un peu de chances, Pete Doherty va nous pondre une petite merveille en hommage à son amie (haha, j’espère que vous avez noté le jeu de mots, parce que je ne le referai pas, c’est un peu honteux quand même) puis se reconvertir en moine tibétain…

Le ton employé dans cet article peut paraître un peu détaché, mais sachez que j’ai juste profité de l’occasion pour rendre hommage à ces artistes respectés et disparus trop tôt. (C’était la petite « phrase triste » du jour, pour terminer la lecture de l’article dans la joie et la bonne humeur.)

by Shunt.