Les oiseaux qui se posent sur les câbles électriques ont-ils des superpouvoirs ?

(Question de Delta_b², via Twitter)

Non. On pourrait croire comme ça, à première vue. Nous qui avons été élevés dans la terreur de l’électricité, nous qui avons grandi sous les recommandations de nos parents d’en rester éloigner, nous qui ne sommes finalement que des humains avons de quoi être impressionnés par ces diaboliques volatiles n’ayant pas peur de se poser nonchalamment sur un câble électrique.

Cependant, vous apprendrez à la lecture de cet article que, non, les oiseaux capables de braver nos appréhensions les plus irrationnelles ne sont pas des Super-oiseaux. Au contraire, ce sont ceux qui s’électrocutent qui sont particulièrement peu doués. Vous saurez dorénavant, cher Delta (je peux vous appeler Delta ?) que, pour être électrocuté, un corps doit relier deux éléments conducteurs. Autrement dit, vous pourriez très bien sauter nu, attraper un câble électrique, et y avancer, suspendu, à la seule force de vos bras. Bon, avant que vous n’essayiez, comprenez bien que nous déclinons toute responsabilité au cas où cette expérience tournerait mal. Je pense notamment à un procès pour outrage à la pudeur dans un lieu public (se balancer nu, suspendu à un câble électrique. Quelle idée.) Ou à une mort soudaine (« subite » me paraissait un peu osé dans de telles circonstances) inexpliquée. Toujours est-il que, selon nos sources, tant que votre corps ne touche rien d’autre que le câble, cela devrait aller.

Mais alors maman, pourquoi l'oiseau il est mort ?

Cependant, les lignes à haute tension tuent encore aujourd’hui plusieurs dizaines d’oiseaux par kilomètres et par an (source : consoblog.com). A raison de 100 000 km de lignes en France, on arrive vite au million d’oiseaux zigouillés en 365 jours. Car si, maintenant que vous avez lu le paragraphe précédent, vous considérez comme inoffensives les lignes à haute tension, il faut savoir que ces propos sont à nuancer. En effet, nombre d’oiseaux décèdent tragiquement après avoir heurté une de ces lignes alors qu’ils faisaient tranquillement la course avec un ami et, aveuglés par la vitesse, se sont pris le câble en plein dans la figure avant de se retrouver au sol, coupés en deux. Pour prévoir ces morts fortuites, il existe à plusieurs endroits des silhouettes de méchants et effrayants oiseaux censés éloigner ces jeunes décadents. D’autres, gros et sûrs d’eux (les rapaces en tête), se croient invincibles comme Mario après avoir attrapé une étoile et, en oubliant leur grosse taille et les lois de la physique, touchent deux câbles en même temps. Bzzzzz. (L’œil et al Flûte a tenté d’imiter ici le bruit approximatif de leur électrocution). Il y a aussi ceux qui, fatigués par une longue nuit printanière passée à copuler joyeusement, veulent prendre appui sur le poteau électrique portant les lignes après s’être posés sur un câble. Bzzzzz. Bien entendu, les lignes haute tension ne sont pas la première ni la seule cause de mortalité volatile dans le monde. La chasse tue plusieurs millions d’oiseaux par an, et les éoliennes 440 000 rien qu’aux Etats-Unis, mais nous n’avons pas d’informations concernant l’intelligence moyenne des oiseaux américains pour nuancer ces statistiques.

William d'Orange, un modèle pour beaucoup

William d'Orange, un héros

Les Super-oiseaux existent quand même, c'est indéniable. Et une chose est sûre, ce n’est pas William d’Orange qui se serait laissé avoir. Ni Alex Lagacé. Ces deux oiseaux célèbres, l’un pour son courage, l’autre pour son intelligence, sont un modèle pour beaucoup de moineaux français. Le premier, William d’Orange, était un pigeon. Comme tous les pigeons, il était, en apparence, complètement con. Et pourtant, son courage a sauvé plus de deux mille soldats alliés durant la seconde guerre mondiale. Ceci dit, le courage et l’intelligence n’allant pas toujours de pair, nous ne savons toujours rien de ses facultés mentales. Mais elles importent peu, car le brave William a reçu la vingt-et-unième Dickin Medal en 1945. La Dickin Medal ? Un prix récompensant des animaux extraordinaires. Elle a été décernée à plusieurs pigeons (je pense notamment à Winkie, Ruhr Express, Commando, Paddy et G.I.Joe), chiens et chats. Mais William est le seul à avoir une page Wikipédia (donc c’est le meilleur). Il faut dire qu’il a parcouru 400 km avec un message en 4h25, le 19 septembre 1944. Sacré William. Jamais ce soldat des services secrets des pigeons britanniques ne se serait pris un câble électrique en plein vol.

Un probable descendant de
William d'Orange
(mais on n'est pas sûrs)

Je vous parlais aussi d’Alex Lagacé (1976 – 2007). Ah, Alex. Un perroquet sachant utiliser à bon escient les 150 mots qu’il savait prononcer, pour répondre aux 1000 mots qu’il comprenait. On pouvait avoir une conversation avec Alex. Ses capacités cognitives étaient telles qu’il aurait sûrement été informé et conscient des risques électriques des câbles à haute tension. Je ne voudrais pas paraître nostalgique, mais quand même, bien loin est cette époque où les oiseaux fascinaient les humains, étaient capables de résoudre une équation du quatrième degré sans les mains, et remportaient des Dickin Medal. Aujourd’hui, (de notre point de vue nombriliste en tout cas), ils n’ont guère d’autre utilité que d’empêcher nos grasses matinées d’été en piaillant sous nos fenêtres dès cinq heures du matin. Il n’y a plus de jeunesse.

by Shunt